C’est l’histoire d’une reconversion…
Je collectionne les revues anciennes et les vieux papiers depuis l’adolescence. Mais si on m’avait dit à l’époque qu’un jour, je les découperais pour les transformer… Jamais je n’y aurais cru ! 😉
Avec mon boulot et une vie bien remplie, je n’avais pas beaucoup de temps à y consacrer. Alors mes revues étaient posées en piles bien sages, un peu partout dans la maison… Jusqu’à ce que mon travail en décide autrement.
Souvent, les visiteurs me demandent
ce qui m’a donné envie
de tout quitter pour l’artisanat créatif…
En réalité, les personnes qui quittent leur activité pour se reconvertir dans l’artisanat créatif le font généralement suite à un événement personnel : une naissance… parfois. Le plus souvent suite à un licenciement, un ras-le-bol professionnel, un deuil ou la maladie. Et je n’échappe pas à la règle. 😉
En 2014 j’ai fait un burn-out, suite à un grave problème de harcèlement au travail contre lequel je me battais depuis plusieurs années.
Se reconstruire après un burnout est un processus difficile… Alors j’ai attrapé des ciseaux… Et j’ai commencé à couper. C’est une activité méditative et relaxante, qui aide beaucoup à réfléchir. Au fur et à mesure que je coupais, triais, recollais : des envies créatives émergeaient… Et j’ai commencé à fabriquer des carnets. J’ai exploré mes idées de sacs. Puis j’ai eu envie d’exposer mes premiers essais : l’ambiance m’a plu immédiatement.
Une révélation !
Qui fait quand-même suite à un traumatisme personnel…
Je travaillais auparavant dans un domaine que j’aimais, sur lequel j’étais à l’aise et dans lequel je m’épanouissais. Si j’avais voulu changer… Et si je n’avais pas vécu le harcèlement : j’aurais simplement changé d’employeur ! 😉
Mais ce n’était pas le travail en lui-même qui posait problème. Ni même vraiment l’entreprise, dont je connaissais les limites et les défauts mais que j’appréciais. Ce qui posait problème : c’était la situation de harcèlement à laquelle j’étais confrontée. Je n’ai jamais été du genre à fuir, mais plutôt à me battre. Alors je me suis battue… Je m’y suis épuisée… Et j’y ai perdu la santé.
Quand la situation est devenue ingérable, il était trop tard pour changer. Mon ancien employeur est un acteur incontournable sur le secteur : il attribue des financements, remplit les formations des autres organismes sur le territoire et met en œuvre des partenariats publics. J’aurais fatalement dû travailler avec lui, même en changeant d’entreprise. Suite à mon licenciement, des partenaires m’ont discrètement avertie qu’au regard de l’importance et de l’influence de mon ancien employeur : personne ne se risquerait à me recruter.
A me battre contre le harcèlement, j’avais tout perdu. Mon travail. Mes repères. Mes possibilités d’emploi sur le territoire. Mon identité professionnelle.
Ce fut un cataclysme lent et dévastateur… Et c’est une blessure profonde encore à vif aujourd’hui. Pour beaucoup, et de l’avis même de mes proches : j’aurais dû attaquer mon employeur aux Prud’Hommes, pour obtenir une compensation financière dans une procédure qui – selon eux – m’aurait rendu ma dignité. J’avais commencé à me renseigner : ça signifiait au moins trois années de procédure. Sans savoir si malgré ça, je pourrais un jour à nouveau retravailler dans le secteur.
Moi, je savais qu’aucune compensation financière ne viendrait réparer ce que j’avais subi. J’étais à terre… Et en miettes. Une procédure ? Mais dans quel état serais-je au bout de ces trois ans ? Trois années d’attente et de justifications à fournir encore et encore, à revivre et remémorer encore et encore ma descente aux enfers, et où la ligne de conduite de mon employeur serait de démolir encore et encore un peu plus mon image et ma crédibilité ?
Un soir, mon mari m’a dit : “Jamais je ne pourrai leur pardonner ce qu’ils t’ont fait, ni l’état dans lequel ils t’ont mis. Si là, maintenant, tu me demandes d’aller tout casser là-bas, j’y vais. Si tu veux les mettre aux Prud’Hommes, je te suivrai. Si à l’inverse tu veux tout laisser tomber pour passer à autre chose, je suis OK. Ton projet créatif, tu le sais : tu ne pourras jamais en vivre et tu me connais… C’est sûr que ça va me faire beaucoup grogner ! Mais quand je grognerai, tu ne devras surtout pas en tenir compte. Parce que quoi qu’il arrive : je t’aiderai et je soutiendrai. Quelle que soit ta décision, je serai à tes côtés”.
Donc j’ai choisi de tourner la page. Lâcher prise fut sans doute la décision la plus difficile de toute ma vie, peut-être la plus courageuse aussi. Mais mon mari a tenu sa promesse : il grogne… Souvent… Et beaucoup ! 😄 Et il me soutient dans mes activités. 😚
C’est ainsi que j’ai pu me reconstruire sur une activité qui fait sens et qui m’épanouit. 😊
L’artisanat créatif : un challenge permanent,
riche en apprentissages !
L’artisanat créatif n’est pas un secteur facile : c’est extrêmement chronophage, hyper concurrentiel, très physique en présentiel, peu (voire non) rémunérateur, extrêmement précaire et souvent même pas reconnu comme une situation de travail par l’entourage extérieur, qui le voit plutôt comme un loisir sur lequel on se ferait essentiellement plaisir.
Mais c’est un métier, un vrai. Et c’est ultra enrichissant.
Ce qui me plaît : c’est sa diversité de tâches réellement impressionnante. La création et la fabrication ne sont qu’une toute petite partie de notre activité ! En 35 années d’activité professionnelle, j’ai eu la possibilité de travailler dans des secteurs très différents et à tous les échelons, sur des postes à faible qualification comme sur des postes à forte responsabilité. L’artisanat est assurément le métier le plus riche en apprentissages et en compétences, et aussi le plus complet de tous ceux que j’ai eu la chance d’exercer. 😘
On y découvre la vraie valeur du travail, et on y gagne une profonde liberté. Et l’artisanat créatif : c’est surtout une grande communauté humaine et soudée, forte, résiliente, en perpétuel mouvement et d’une grande générosité. 😙
Ce n’est qu’une facette de mes activités !
J’aime le contact et je suis très attachée au collectif. Toute ma vie j’ai vécu ou travaillé dans des associations : ça fait partie de mon ADN, de mes valeurs, de mon fonctionnement et de mon éducation. En tant qu’artisane, j’aime travailler en présentiel pour la richesse des relations avec le public et avec les autres exposants.
Dans mes vies antérieures j’ai travaillé dans le service aux personnes, dans un mouvement de jeunes, dans le service pour l’emploi, j’ai fait de l’accompagnement individuel, encadré des équipes, monté des projets locaux et européens, travaillé avec les quartiers, réalisé des guides pratiques, organisé et animé des forums, des sessions de formation et des ateliers… J’aime travailler en coopération, la bienveillance et la réciprocité des échanges, la transmission, la pédagogie. Et forcément, ça transparait dans mes activités encore aujourd’hui. 🙂
Parallèlement à mon activité artisanale : j’ai repris en 2022 une activité salariée, quelques heures par semaine au sein d’un Groupe d’Entraide Mutuelle.
Les GEM sont des espaces d’accueil et de convivialité pour les personnes confrontées à l’isolement ou à la maladie : certains sont en situation de handicap, d’autres ont vécu un burn-out ou un deuil, ou peuvent souffrir de solitude, de dépression ou de troubles neurologiques ou psychiques… Chaque semaine, j’accueille les visiteurs autour d’un café, dans un ambiance chaleureuse et positive. J’anime des mini-ateliers et j’aide ceux qui le souhaitent à organiser des activités créatives. Et je les accompagne sur des activités culturelles, de bien-être ou sur les sorties qu’ils ont choisies. 😊
Et depuis 2018, j’anime le site Profession Artisan Créateur. J’y parle des coulisses d’une activité créative, de ce qui permet de réussir ses expos, du choix des produits et des circuits, de la bonne manière de calculer ses prix…
Bref j’ai la chance d’avoir une vie épanouissante et bien remplie… Et j’espère qu’il en sera encore très longtemps ainsi. 😉